Tous ces derniers mois, l’UNSA n’a pas manqué d’alerter sur l’impérieuse nécessité de refonder la classification des agents de direction (ADD). L’accord actuel date de 2005. En 20 ans, les activités des ADD se sont considérablement modifiées, les responsabilités financières ont été renforcées et la reconfiguration des réseaux a, à certains égards, transformé les contextes de travail, aboutissant à une complexification de l’exercice des métiers et à un accroissement de la charge de travail des ADD.
20 ans ont passé et pas grand-chose n’a bougé.
Il est clair pour l’UNSA que la classification des ADD est devenue un produit périmé.
Elle dispose encore de sa cohérence, sa mise en œuvre produit toujours des effets. Mais en 20 ans, le monde a changé. Qui aurait pensé en 2005 que la Sécurité sociale allait connaître les profonds changements qu’elle a mis en œuvre avec succès ? On citera comme exemples le développement radical des mutualisations au sein des réseaux, l’accroissement des missions nationales dans l’activité des caisses. Qui aurait pensé que les réseaux allaient connaître de telles évolutions : intégration du RSI, départementalisation des CPAM et des CAF, départementalisation puis régionalisation des URSSAF, création des ARS ?
Par exemple, qui aurait pu penser en 2005 que, vingt ans plus tard, près de 20% de l’activité des CPAM serait consacrée à la gestion d’activité en réseau (part souvent inversement proportionnelle à la taille de la caisse) ? Qui aurait pu penser que la moitié des processus en CPAM intégrerait ce travail en réseau ?
Le monde a changé en 20 ans, pourtant nous travaillons toujours avec les outils de 2005.
C’est dire l’espoir que l’UNSA mettait dans l’ouverture de la négociation devant aboutir à une refondation de la classification des ADD. Représentants de l’UNSA, nous n’avons pas manqué d’être force de proposition et nous le continuerons. Mais à cette heure, rien de ce qui est sur la table ne permet d’envisager que nous aurons la classification dont la Sécurité sociale et ses ADD ont besoin pour reconnaître le niveau des compétences mises en œuvre, renforcer l’attractivité des métiers, favoriser les déroulements de carrière.
Au bout de la quatrième réunion de négociation qui s’est tenue le 28 mai dernier, où en est – on ?
Le plus marquant est que nous ne connaissons toujours pas l’intégralité des propositions de l’UCANSS. Il est donc impossible de se faire une idée d’ensemble du projet de l’employeur, et par voie de conséquence de rechercher les pistes d’un compromis. Mais ce que nous savons du projet est de notre point de vue pour le moins décevant et rate la cible d’une remise à plat du système.
A commencer par l’enveloppe affectée à la classification des ADD. Faisant le choix d’un mode de ventilation d’une enveloppe globale de 160 M€ pour la rénovation des trois classifications, combinant la masse salariale des ADD pondérée par l’effectif, l’UCANSS a déterminé que 4 M€ seront fléchés sur la classification des ADD.
Quatre millions d’euros, c’est-à-dire 2% de la masse salariale. 2% de la masse salariale pour « rénover » un dispositif vieux de 20 ans, 2% alors que depuis 20 ans, la hausse du coût de la vie, qui concerne aussi bien les ADD que les autres catégories de personnel, avoisine les 24%. Pour l’UCANSS, l’enveloppe est, sans surprise de sa part, « non négociable« .
L’UNSA ne tombera pas dans le piège d’opposer les intérêts des ADD à ceux de nos collègues relevant des autres classifications. L’éthique même des ADD les conduit à reconnaître les compétences de leurs collaborateurs dont les intérêts salariaux ne divergent pas des leurs. Mais l’enveloppe de 4M€ rapportée aux 2000 ADD de la Sécurité sociale est très nettement insuffisante. Clairement, pour l’UNSA, le compte n’y est pas !
D’autant plus que l’UCANSS intègre dans cette enveloppe le financement de mesures qui, dans l’absolu, ne relèvent pas de la classification et de la pesée des emplois, si ce n’est de faire partie de l’accord de classification actuel , mais de mesures de la convention collective ou d’accords paritaires spécifiques (mobilité, part variable, …),.
L’UNSA revendique la nécessité d’améliorer, voire de repenser les dispositifs en place, mais elle n’est pas dupe de ce qui reste une interprétation extensive de la finalité d’un accord de classification.
La mesure phare du toilettage de la classification proposé par l’UCANSS est la suppression de la catégorie D avec un relèvement des planchers des catégories A, B et C (ce qui représente un coût global de 1,4 M€). L’UNSA obtient en partie satisfaction sur l’une de ses revendications avec la suppression de la catégorie D, mais le relèvement des minima de 10 à 15 points apparaissent comme dérisoires au bout de 20 ans d’attente.
Mécaniquement, seuls les ADD les plus récemment entrés en fonction en bénéficieraient. Ceux ayant déjà atteint le nouveau coefficient de base par des mesures antérieures d’attribution de points de compétence n’en verraient aucun effet : la transposition se ferait sur la base du coefficient développé.
La suppression de la catégorie D apporte de facto une réponse partielle à la revendication de l’UNSA visant à porter l’indice minimum d’un ADD au-dessus de l’indice maximum possible pour un cadre de niveau 9. Le léger relèvement des indices des autres catégories d’ADD est loin de répondre à l’autre revendication de l’UNSA : l’articulation de la rémunération des directeurs d’organismes par rapport à celle des autres agents de direction. Les propositions de l’UCANSS sont très en deçà de notre revendication, et très en contradiction avec sa volonté affichée de reconnaître la spécificité de la fonction de directeur (par le maintien du N4 pour les seuls directeurs).
Décidément non, le compte n’y est pas. L’UNSA reste en attente de précisions sur les critères classant des empois. L’UCANSS a repris une partie des propositions portées par l’UNSA et d’autres organisations syndicales, c’est une bonne chose. Mais les éléments proposés par l’UCANSS apparaissent, à ce stade, trop flous pour pouvoir garantir une prise en compte dans le coefficient de base des ADD des activités quotidiennes réelles de chacune et chacun.
C’est pourtant la raison d’être d’un accord de classification que de poser clairement, précisément et objectivement les conditions de la pesée de l’emploi rapportée au champ d’activité et de délégation de chaque ADD. Nous ne pouvons pas rester dans le cadre du statu quo actuel, qui, parce qu’il repose sur une interprétation « au cas par cas » et aux décisions individuelles, ouvre trop la porte aux décisions injustes et aux inégalités de traitement.
Les revendications de l’UNSA sur des critères de classification clairs, objectifs, précisément définis sont aussi la condition pour apprécier le juste fléchage d’une partie de l’enveloppe financière dévolue à la classification.
On regrettera également le même flou, et donc la même source d’inégalité de traitement, sur le sujet des points de responsabilités complémentaires que l’UCANSS veut maintenir, quasi en l’état. Il va pourtant de soi qu’avec la reconfiguration des réseaux, c’est là un sujet crucial.
Dans bon nombre d’organismes, le portage de services nationaux et de mutualisations nationales pèsent fortement sur l’activité des agents de direction et viennent alourdir leur charge de travail et la complexité de celui-ci, mais aussi la charge mentale supplémentaire qui s’y rapporte. Tout comme pour les critères classants des fonctions, les conditions sont si vagues qu’elles ouvrent la porte à toutes les inégalités de traitement, à toutes les iniquités. L’UNSA ne l’accepte pas.
L’UNSA a déjà fait savoir qu’elle serait vigilante sur le système des points de responsabilités complémentaires, qui s’il était maintenu dans son économie générale actuelle, soit beaucoup plus ouvert qu’aujourd’hui et réponde à des critères objectifs, clairement et précisément définis de missions et de responsabilités. Tous les ADD aujourd’hui concernés par l’exercice de responsabilités complémentaires doivent en bénéficier.
Sur la part variable, l’UCANSS propose de reconsidérer ses modalités de calcul, somme doute de manière modeste, en retenant comme assiette le coefficient développé. Si l’enveloppe nationale des parts variables ne bouge pas ou peu, il sera facile de jouer sur le taux d’atteinte des objectifs, locaux notamment, limiter l’effet de cette évolution par le jeu de la maîtrise budgétaire. Peu importera à ce moment-là que la part variable soit calculée sur le coefficient de base ou développé. L’assiette de la part variable, 1,5 ou 1 mois de salaire, pose aussi question.
L’importance de la part variable se développe dans la fonction publique, elle peut y atteindre plusieurs mois de salaires. Une comparaison serait aussi profitable avec ce qui existe dans la sphère privée, à niveau de responsabilité équivalente. Face à ces évolutions récentes, il est clair que la proposition de l’UCANSS n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faudra que l’UCANSS apporte à ses propositions des modalités et des contreparties suffisantes pour que l’UNSA puisse considérer que cette mesure salariale aléatoire puisse compenser les graves insuffisances de la classification souhaitée par l’employeur.
La même considération s’applique aux primes de mobilité et à l’indemnité de double résidence que l’UCANSS pourrait envisager de rediscuter. On ne peut que regretter la méthode retenue par l’UCANSS de séquencer la présentation de ses propositions au cours des différentes séances de négociation. A tel point qu’au terme de la quatrième réunion dite de négociation qui s’est tenue le 28 mai, l’UNSA et les autres organisations syndicales ne connaissent toujours pas la totalité des propositions de l’employeur !
Une négociation ouverte doit avoir pour but de rechercher un compromis équilibré entre les positions initiales des deux parties, fruit de concessions réciproques. L’UNSA ne sera en mesure de se prononcer complètement que lorsqu’elle aura une vision globale des propositions de l’employeur. Telles que nous les connaissons aujourd’hui, nous savons qu’elles ne concerneront qu’un nombre limité d’ADD, du fait de l’enveloppe financière étriquée consacrée à la classification, mais aussi du fait du mandat même confié à la direction de l’UCANSS par le COMEX. L’UNSA ne peut que déplorer que les effets de ce mandat ne conduisent qu’à des modifications de faible ampleur d’un dispositif vieux de 20 ans, la suppression de la catégorie D mise à part. Les réunions en cours ressemblent davantage à la négociation d’un avenant modeste au dispositif de 2005 plutôt qu’à une indispensable refondation. L’UNSA le regrette infiniment.
L’UCANSS nous dit : « la négociation n’est pas close ». Dont acte ! L’UNSA va continuer de proposer et de défendre les intérêts légitimes des ADD. Les 20 années passées depuis la dernière négociation ont créé de profondes attentes de la part des ADD.
20 ans après la mise en œuvre de l’accord actuel il est vital de mettre la classification en cohérence avec la réalité des fonctions des ADD telles qu’elles s’exercent dans des réseaux qui se sont transformés depuis 2005. Mais un accord équilibré ne saurait non plus aboutir sans une mesure générale appliquée à l’ensemble des ADD.
L’intérêt commun, pour l’employeur comme pour les ADD, est que nous ne sortions pas d’une classification périmée pour entrer dans une classification à obsolescence programmée à très court terme.
Retrouvez le détail des propositions de l’UNSA pour une vraie refondation de la classification.